HEUREUX PARRAINAGE
BERTRANGE sinistrée, est choyée par la plus généreuse commune de France
Novembre 1944 : La bataille de la Libération fait rage, les Américains forcent la tête de pont d'UCKANGE. BERTRANGE subit un assaut impitoyable. Les flammes de 40 maisons et exploitations agricoles rejoignent dans un ciel de sang celles du château historique des derniers seigneurs de BERTRANGE, les Comtes de GESTAS de LESPEROUX.
Résultat : 257 sinistrés Totaux : 150 sinistrés partiels
Une petite lettre arrive.
Juillet 1945 : Dans le courrier de la mairie, une petite lettre comme les autres, lue rapidement sans grande importance, semble-t-il. Lettre de M. le Directeur de l'Entraide Française de LYON, avertissant le Maire que VOURLES adopte BERTRANGE.
Septembre 1945 : A la demande de M. MERMET, Maire de VOURLES, deux délégués de BERTRANGE, MM NOEL, délégué local de l'Entraide et JACQUEMIN, instituteur, prennent contact avec le comité de parrainage. Accueil inoubliable d'une population décidée à tout vaincre pour secourir ses filleuls. Une kermesse dont le profit ira à BERTRANGE, obtient un succès inespéré.
Novembre 1945 : M. MERMET, accompagné de deux délégués, Mme HUC, déléguée de l'Entraide, et Mlle THIBAUDIER, institutrice viennent à BERTRANGE. M. VEIT, Maire de BERTRANGE, reçoit un chèque d'un montant de 50 000 Frs et l'annonce d'un wagon de dix tonnes de lits, literie, vaisselle, objets utiles, le tout offert spontanément par le cœur généreux de nos marraines.
Le culte de la solidarité.
Un lien de solidarité et de fraternité est né au sein de la grande communauté française. VOURLES et BERTRANGE doivent en être l'exemple. Durant toute l'année un échange de correspondance a lieu entre des correspondants judicieusement choisis dans chaque village ; les écoles échangent des lettres, des dessins, des cartes postales. Mais surtout VOURLES veut nous aider matériellement. Nos magasins ont des vitrines vides de toutes marchandises, nos bons d'achat périment au fond de nos poches. VOURLES veut nous dépanner. Et c'est l'arrivée de nombreuses caisses contenant : costumes neufs, chemises, caleçons, chaussures, chandails, etc... Les familles les plus touchées sont aidées régulièrement par la caisse locale, alimentée par celle de VOURLES.
Echange de bons procédés.
Mais notre marraine est en difficulté avec son cheptel ; le fourrage lui fait défaut. BERTRANGE obtient alors l'autorisation de lui envoyer 5 wagons de ce précieux foin des rives de la Moselle. Cette fois, VOURLES et BERTRANGE communient ensemble dans le culte de la solidarité. Et nous en oublions de tous ces petits actes et gestes qui font que VOURLES la plus noble et la plus généreuse des petites commune de France : elle ne compte que 600 âmes.
Juillet 1945 : Une année de collaboration intime va être consacrée par la kermesse formidable du 21 juillet.
En route pour LYON.
A la demande de M. le Maire de VOURLES, BERTRANGE délègue son maire, M. VEIT, trois conseillers, MM DANY, GROSS, HILLAIRE, son curé l'abbé BARTHEL, sa chorale, forte de 36 exécutants, sous l'habille direction de son chef, M. KIRCHE, un simple ouvrier métallurgiste, MM NOEL et JACQUEMIN, qui sont l'âme vivante de ce parrainage, seront du voyage. Voyage plein de charme et de chansons, pour les Bertrangeois qui vont enfin connaître cette belle fée qui, pendant un an, leur a distribué secours et dons. Le samedi 20 juillet, la délégation de BERTRANGE est accueillie par une population en délire, entourant son maire, son curé, son président du C.L.L. ; sa déléguée de l'Entraide. Le soir, à 20 h 30, une représentation artistique est offerte à BERTRANGE. Exécution d'une comédie, d'un vaudeville et d'une opérette par une petite troupe locale d'amateurs qui a prouvé sa classe. Nous avons pu applaudir le célèbre fantaisiste local, Jean SIMONDAN, dont le répertoire est inépuisable ; Mme PITIOT, JULIEN, DAMIAN, dans des aires célèbres de nos plus belles opérettes. Enfin la chorale de BERTRANGE exécute : « Vous n'aurez pas l'ALSACE et la LORRAINE », écouté par un auditoire recueilli, sur nos malheurs ancestraux.
Accueil chaleureux.
Le dimanche 21, une foule énorme se presse dans la petite église paroissiale. Toute la presse de LYON est là avec ses reporters et ses photographes. BERTRANGE a tous les honneurs de la journée. L'abbé MURARD, curé de VOURLES, monte en chaire pour saluer les Bertrangeois, leurs souhaiter la bienvenue, et salue tout particulièrement ses deux vieux amis : MM NOEL et JACQUEMIN qu'il connaît depuis un an. L'abbé BARTHEL, curé de BERTRANGE, dans un sermon particulièrement éloquent, exalte la grande vertu qu'est la charité, après avoir rappelé l'historique de St-Martin de Tours, et le culte de la patrie. Après l'office, la foule, précédée d'une petite Lorraine de 5 ans, se rend au monument aux morts, où M. VEIT dépose une croix de Lorraine faite de sapin et de chardons. Puis un vin d'honneur réunit à la mairie toutes les autorités civiles et religieuses des deux villages. L'exécution de la « Marche Lorraine » et de la « Marseillaise », par la chorale, termine ces simples mais touchantes cérémonies.
Le parrainage.
A 14 h 30, la foule se presse sur la place de la Mairie, foule des grands jours de fête, foule accourue de tous les villages environnants. Les cœurs s'émeuvent lorsque M. MERMET, pour consacrer le parrainage, remet à M. VEIT, un fanion tricolore, marqué aux armes de la ville de LYON et de METZ et portant cette simple phrase : « La Commune de VOURLES aux habitants de BERTRANGE ». Sur l'autre face un clocher et quelques maisons en ruines. Puis, sans que parrains et filleuls se soient consultés, le Maire de BERTRANGE offre en remerciement une vue de BERTRANGE, jolie sculpture sur bois exécutée par notre maître lorrain : M. THIAM, et M. MERMET lui remet une vue de la plus vieille tour de VOURLES, datant du XIIème siècle. Cet échange spontané, sans consultation préalable, montre combien nos deux villages sont unis dans l'amour de la renaissance française. Un défilé à travers les rues richement décorées de banderoles et de croix de Lorraine, conduit hôtes et invités à la propriété de M. RICHARD, où a lieu la kermesse. Partout des stands offrent aux visiteurs les succulentes pêches de VOURLES, les belles soieries de LYON, des crus.
Faut-il dire, pour conclure, que de telles manifestations, qui rapprochent les hommes et les régions de France dans un bel esprit d'union, font plus pour la reconstruction morale et matérielle du pays que les tapageux discours dominicaux, de nos hommes politiques. L'exemple d'une petite Commune de Lorraine valait la peine d'être cité.